La prospection en milieu bâti
La prospection en milieu bâti consiste à rechercher des chauves-souris en visitant des bâtiments qui présentent un certain intérêt pour elles. Une prospection ciblée des bâtiments publics ou privés présentant un potentiel d’accueil pour les chauves-souris est réalisée, notamment sur les bâtiments communaux (plus faciles d’accès).
Une recherche d’individus ou de colonies est effectuée dans tous les lieux propices à leurs installations notamment dans les greniers, caves, entre les doubles poutres, dans les corniches, ou derrière les volets…
Les ponts ou tunnels existants qui sont des lieux offrant des conditions particulièrement appréciés des chauves-souris sont aussi prospectés. Les espèces concernées par ce type d’inventaire sont surtout les espèces liées aux bâtiments, dites anthropophiles.
La prospection en milieu bâti est sans doute la meilleure solution pour trouver des colonies de reproduction de chauves-souris « anthropophile ». Elle permet de couvrir un grand territoire et de prospecter un nombre conséquent de sites.
La détection ultrasonore
Sur le terrain, l’écoute acoustique à l’aide de détecteurs à ultrasons est la technique la plus utilisée pour inventorier les espèces et évaluer leur activité sur les milieux naturels. Les écoutes réalisées sur le terrain permettent bien entendu d’apprécier la diversité d’espèces présentes et de déterminer quels types d’émissions sonars elles utilisent sur ces milieux (est-ce qu’elles sont là pour se déplacer, pour chasser, se reproduire ou communiquer ?). La méthode utilisée pour évaluer l’activité des chauves-souris et l’identification des chauves-souris est celle élaborée par Michel Barataud (Barataud, 1992, 1996, 2012 & 2015). Deux méthodes distinctes existent :
- L’écoute ultrasonore active :
Elle consiste à réaliser soit des transects, soit des points d’écoute (ou les 2), le plus souvent effectués à pied ou en vélo avec un détecteur à ultrasons. Le transect implique un déplacement à une vitesse régulière et permet de couvrir plus de terrain. Le point d’écoute en revanche positionne l’observateur à un poste fixe durant un temps déterminé et permet d’évaluer des milieux ponctuels. La majorité des chauves-souris contactées lors de cette méthode sont déterminées directement sur le terrain. Celles présentant des difficultés d’identification immédiate, sont enregistrées et stockées sur un enregistreur numérique ou dans la mémoire interne du détecteur, pour faire l’objet par la suite d’une analyse plus poussées sur logiciel spécialisé.
- L’écoute ultrasonore passive :
L’écoute passive consiste à disposer au sol ou en canopée un détecteur à enregistrement automatique sur un lieu géoréférencé pendant plusieurs heures, celui-ci, demeure en attente de réception d’ultrasons au cours de la nuit. Et lorsqu’il en capte, enregistre les sons captés et les stockent sur une carte mémoire. Ces sons peuvent être des chauves-souris mais aussi des musaraignes, des insectes (notamment des orthoptères) ou un promeneur avec des clés dans ces poches…
Les enregistrements seront ensuite analysés sur différents logiciels spécialisés. Cette méthode permet un enregistrement en temps réel et enregistre simultanément l’ensemble du spectre des fréquences. Elle est très efficace pour quantifier une activité globale sur un site pendant une longue durée mais demande du temps pour gérer et analyser un volume important d’enregistrements.
Inventaire par capture
Comme son nom l’indique, la capture consiste à piéger les chauves-souris en vol, en installant et en tendant des filets japonais dans les milieux qu’elles fréquentent. Ce système permet de retenir une chauve-souris dont les ailes et les avant-bras se retrouvent emmêlés au travers des mailles ou retenue dans la poche formée par le filet sous l’effet du poids de l’animal. Surprise par ces obstacles inhabituels et imprévus placés sur leur trajectoire, la plupart des chauves-souris détectent ces dispositifs mais souvent trop tard pour pouvoir les esquiver, permettant ainsi leur capture en vol sur leurs axes de déplacement ou leurs milieux de chasse.
Cette technique permet quand une chauve-souris est capturée de l’identifier précisément (ce qui n’est pas forcément le cas avec le détecteur à ultrasons). Elle permet aussi d’obtenir des informations sur l’anatomie (mesures biométriques), l’état sanitaire et reproducteur des individus capturés (femelles allaitantes, juvéniles, etc.).
La capture reste une méthode invasive et nécessite la plus grande attention et le plus grand soin des animaux capturés, il est d’ailleurs nécessaire d’être titulaire d’une habilitation et d’une dérogation préfectorale de capture d’espèces protégées conformément à la loi en vigueur.
Télémétrie
A l’occasion de capture et en fonction des espèces capturées, la pose de micro-émetteurs sur des espèces intéressantes peut permettre la découverte éventuelle de gîtes et de mieux connaître leurs axes de déplacement et leurs milieux de chasse.
Le micro-émetteur VHF (dont le poids ne doit pas dépasser 5% de celui de l’animal) est fixé à l’aide d’une colle chirurgicale entre les deux omoplates de la chauve-souris. Cet émetteur tombera de lui-même au bout de quelques jours.
L’objectif est de suivre le plus exhaustivement possible les déplacements nocturnes de l’animal et d’identifier ses routes de vol, ses territoires de chasse et de découvrir ses gîtes diurnes, notamment sa colonie de reproduction.
Sur le terrain, l’émetteur émet à intervalles réguliers des signaux électromagnétiques de fréquence déterminée, qui sont reçus par une ou plusieurs antennes de réception omnidirectionnelle. Une ou plusieurs équipes mobiles localisent la chauve-souris équipée grâce à leurs antennes et en mesurent l’azimut de réception du signal de manière synchrone. Cet azimut correspond à la direction, en degré par rapport au Nord mesuré avec une boussole, du signal le plus fort. L’intersection des azimuts mesurés par chaque équipe, dit méthode de triangulation, donne la position de l’émetteur et donc de l’animal, de manière plus au moins précise.
Suivi estivaux
Du printemps à l’automne, quand un lieu est connu pour abriter des chauves-souris (un bâtiment, une grotte ou un arbre), il est intéressant d’effectuer des comptages réguliers des effectifs présents. Ces suivis réguliers permettent d’évaluer si le gîte est encore occupé année après année et d’acquérir des informations sur la colonie : évolution des effectifs, succès reproducteur, nuisances ou menaces pesant sur le gîte…
Deux principales méthodes sont choisies pour effectuer ces suivis :
- Le comptage à vue dans le gîte
C’est la méthode la plus fréquemment utilisée, elle consiste simplement à rentrer dans le site de repos diurne des chauves-souris (site de mise-bas ou de transit) et de compter ou d’estimer les individus présents. Dans un gîte de reproduction, cette visite est l’occasion de vérifier où en est la reproduction (femelle gestante, jeunes non-volants…) et d’évaluer l’âge des juvéniles.
L’utilisation d’un appareil photo peut permettre d’obtenir un comptage plus précis et de ne pas rester trop longtemps dans le gîte et d’ainsi limiter le dérangement. En effet, la présence humaine dans le gîte peut occasionner un dérangement important et créer la panique dans la colonie. Il est donc important de faire au plus vite et de limiter au strict nécessaire l’utilisation de l’éclairage.
- Le comptage à l’envol
Le principe consiste simplement à dénombrer en soirée les individus sortant du gîte. Ces observations peuvent aussi être réalisées lors de la rentrée au gîte de la colonie au petit matin. Toutes les chauves-souris sortantes sont comptabilisées et les chauves-souris qui re-rentrent dans le gîte sont soustraites du total pour éviter les doubles comptages.
Pour réaliser un comptage le plus exhaustif possible, il est impératif d’arriver tôt sur le site pour comptabiliser les premiers individus qui sortiront (certaines espèces comme les Sérotines, les Pipistrelles ou les Noctules peuvent sortir très tôt) et de bien connaître les trous de sorties des animaux. Il est fortement déconseillé d’utiliser des lampes lors de ces comptages. L’éclairage du trou de sortie ou à proximité de celui-ci pourrait provoquer un dérangement important de la colonie. Des détecteurs à ultrasons sont généralement utilisés pour entendre les chauves-souris lors de leur sorties et permettent de confirmer la détermination de l’espèce suivie, notamment dans le cas de colonie mixte ou d’espèce difficile à identifier à vue dans le gîte comme par exemple les pipistrelles.
Prospections et comptages hivernaux
En hiver, la quantité d’insectes n’est plus aussi importante qu’aux autres périodes de l’année, les chauves-souris se mettent donc en hibernation pour réduire leurs dépenses énergétiques.
L’hibernation permet aux animaux de ralentir leurs fonctions vitales, et d’abaisser leur température interne, leur permettant ainsi, d’économiser de l’énergie et donc de survivre pendant cette période où leur nourriture est rare. Ce ralentissement métabolique entraîne une quasi inactivité de ces mammifères et ils passent la mauvaise saison à dormir profondément dans des lieux calmes.
Il est donc important de comprendre que le réveil d’une chauve-souris, en période hivernale, peut lui être fatal car un réveil soudain demandera à l’animal de puiser dans ses réserves de graisse et réduira sa capacité à attendre la fin de la mauvaise saison. Par conséquent, il faut être prudent et limiter au maximum de les déranger lors de ces comptages.
Elles hibernent seules, ou en groupe, dans des cavités (grottes, caves, mines, ponts, souterrains, arbres creux, …) où la température est stable et l’hygrométrie importante. A cette saison, les chauves-souris étant immobiles, il est plus aisé de les dénombrer.
Lors de ces observations, il arrive fréquemment qu’un animal ne peut être déterminé avec certitude jusqu’à l’espèce. C’est notamment le cas pour les Oreillards, les Murins à museau sombre (Murin d’Alcathoe, à moustache et de Brandt), les Pipistrelles… Ce suivi quand il est fait sur un grand nombre de sites permet d’avoir un recensement des populations de chiroptères sur un secteur donné.